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Le blog de Boudouaou, Alma
4 avril 2007

sa fait toujours plaisir d'avoir des infos sur Boudouaou

alors parlez-nous, parlez-vous ??

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K
La révolution algérienne a été déviée. <br /> Si nous sommes allés jusqu'au bout de notre rêve d'indépendance, il n'en est pas de même quarante-deux ans après de l'autre rêve, celui de construire un État de droit, de tolérance, de rigueur économique, de démocratie, où la justice sociale existerait.<br /> Interview : Ahmed Mahsas, sénateur, l'un des derniers chefs historiques de l'indépendance algérienne. <br /> La Croix, mardi 16 novembre 2004 <br /> " Le temps a passé. Je fais partie de cette génération algérienne disparue, oubliée même chez nous en Algérie, celle qui a déclenché la guerre au nom d'une volonté irréversible d'indépendance. Tout petit, j'ai vu l'engagement de mes parents, de mes oncles. J'appartenais à une grande famille traditionnelle de musulmans en Algérie. Mes arrière-grands-parents, de riches cultivateurs ont vu leurs terres confisquées par les Français. Cela forge une conscience familiale ! <br /> J'ai été très jeune, dès 16 ans, un " agitateur ", repéré en conséquence très vite, dans la région de Boumerdès (à une cinquantaine de kilomètres d'Alger), ma région natale où était concentrée une majorité de colons. C'est pourquoi, j'ai été vivre à Belcourt, l'un des quartiers populaires d'Alger, où nous, les " résistants à la colonisation ", étions moins visibles. Pourtant, je dois le dire, le reconnaître, je n'ai jamais été victime de racisme. J'ai même été remarqué à l'école par le directeur Louis Jacoty, venu de France, qui enseignait à L'Alma, aujourd'hui Boudouaou, où se mêlaient aux jeunes Français, quelques indigènes dont j'étais. Il m'a aidé... mais il ne pouvait comprendre mon combat. <br /> La majorité des Algériens, surtout ceux des campagnes, face à la pression coloniale, à l'humiliation quotidienne, au racisme, à la misère, avaient peur, n'osaient jamais dire leur pensée. C'était comme une sorte d'agonie, pour les Algériens musulmans, qui n'en finissait pas ! On leur déniait tout, leur culture populaire, leur religion, leur être... On nous parlait de l'assimilation, c'était ridicule. Elle ne pouvait concerner que quelques milliers d'Algériens musulmans ! Pour les autres, c'était, comme en Amérique : il leur aurait fallu vivre dans des réserves ! <br /> À côté d'eux, j'étais chanceux ! J'ai donc eu mon certificat d'études et poursuivi pendant deux ans un semblant d'études complémentaires, en faisant des petits boulots, en particulier dans un atelier de maroquinerie ! Puis j'ai été un clandestin, qui préparait la révolution, au sein du Parti du peuple algérien (PPA) avant d'être en 1947 l'un des créateurs de l'OS (Organisation spéciale), avant-garde paramilitaire du mouvement révolutionnaire algérien. J'avais déjà été arrêté à deux fois, à 17 ans, à 22 ans. Je l'ai été à nouveau, à deux autres reprises. <br /> Déjà, me trottait dans la tête, l'idée de reprendre des études après la révolution et de les reprendre en France. L'Algérie indépendante allait manquer de cadres intellectuels et c'est en France que j'avais choisi de me perfectionner. Je n'ai jamais été contre la France, pays que j'admirais ! Mais j'étais opposé à la colonisation. Même quand la France a perdu la guerre en Algérie, elle demeurait une puissance et nous en étions tous bien conscients ! Pendant huit ans, nous avons eu une lutte atroce avec les militaires français, avec l'OAS : nous avons tout subi, nous avons tous vécu des situations dramatiques. Nous avons fait le maximum d'efforts d'oubli de soi, de notre vie privée, de notre vie familiale. Il y a eu beaucoup de divergences, de crises, de règlements de compte au sein des révolutionnaires algériens. <br /> Puis huit ans après l'indépendance, j'ai repris, comme je l'avais tant désiré, mes études en France en 1970 et suis devenu docteur en sociologie. J'avais été clandestin aussi à Paris, en 1952, mis au courant du déclenchement de la guerre le 1er novembre 1954, par Mohammed Boudiaf, l'ancien président assassiné en juin 1992 à Annaba. Je me suis retrouvé pendant un temps en Libye, d'où j'ai poursuivi la lutte, avant d'être ministre de l'agriculture en 1978 et de mettre en place l'autogestion sous le président Boumediene. Puis, j'ai été mis de côté... <br /> Car je n'ai eu de cesse de souligner une vérité, gênante pour les autorités algériennes : nous avons sacrifié à nos idéaux révolutionnaires du 1er novembre 1954 qui promettaient aussi la démocratie aux Algériens. <br /> Si nous sommes allés jusqu'au bout de notre rêve d'indépendance, il n'en est pas de même quarante-deux ans après de l'autre rêve, celui de construire un État de droit, de tolérance, de rigueur économique, de démocratie, où la justice sociale existerait. Là, il y a eu échec total. Qu'avons-nous eu ? Des dictatures militaires successives ! <br /> En 1978, j'avais écrit un ouvrage Révolution et démocratie, un rappel en quelque sorte de nos engagements. Que je sache, la démocratie n'est pas l'antithèse de la révolution. Ce travail a été accueilli très froidement par les autorités. Mais l'Algérie a payé très cher le fait que la démocratie n'ait pas eu lieu à temps. Le multipartisme a eu pignon sur rue en 1988 seulement, après les émeutes de la faim... Vingt-six ans après l'indépendance... C'était trop tard. Est alors venu le Front islamique du salut (FIS), son interdiction, les maquis, les emprisonnements en série, les attentats, les tueries, les massacres, la répression, les disparus et 100 000 morts. Quelle régression, quel beau gâchis ! Il ne faut pas se mentir, la révolution algérienne a été déviée. Et c'est cela qui est le plus triste pour moi, à 81 ans. "
Le blog de Boudouaou, Alma
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